1940 : Exode, la France en fuite

En mai 1940, la France vit un cauchemar. L’armée allemande perce le front avec une rapidité déconcertante. Des millions de civils, paniqués, abandonnent leurs maisons et fuient vers le sud. Routes encombrées, familles séparées : l’exode devient le symbole d’une nation en déroute. Ce traumatisme, souvent oublié, marque pourtant un tournant dans le conflit.
Le début de la guerre
Quand la Seconde Guerre mondiale éclate en septembre 1939, la France se prépare à une guerre longue. Le gouvernement évacue prudemment les villes frontalières, par peur des bombardements. La « drôle de guerre » s’installe : pendant huit mois, soldats et civils attendent, sans combats majeurs. La ligne Maginot, censée protéger le pays, rassure la population. Mais cette attente cache une réalité : l’armée française est mal préparée et sous-estime la stratégie allemande.
Le 10 mai 1940, tout bascule. Hitler lance une offensive massive. Les Panzers allemands contournent la ligne Maginot et traversent les Ardennes, une zone jugée impénétrable par l’état-major français. En quelques jours, les villes du nord tombent. La Belgique et les Pays-Bas capitulent. L’aviation Allemande bombarde les routes et les gares, semant la panique. Les Français comprennent que le danger se rapproche.
Dans les campagnes, les cloches sonnent l’alerte, et les rumeurs courent plus vite que les nouvelles officielles. Les familles commencent à préparer des baluchons, incertaines de ce que l’avenir leur réserve. Les souvenirs de la Grande Guerre sont encore vivaces, et l’idée de revivre de ces traumatismes pousse certains à envisager la fuite dès les premiers jours de l’offensive.

La débâcle militaire
L’armée tricolore, mal commandée et désorganisée, s’effondre. Les chars allemands avancent à toute allure et coupent les lignes de communication. Les soldats français, à pied ou à cheval, sont dépassés. Le 14 mai, Sedan tombe. Le 20 mai, les Allemands atteignent la Manche, enfermant des centaines de milliers de soldats alliés à Dunkerque. L’évacuation de ces troupes vers l’Angleterre, sauve des vies mais laisse l’image d’une défaite honteuse.
Le gouvernement français, dirigé par Paul Reynaud, est paralysé. Les réfugiés belges et néerlandais affluent, aggravant la confusion. Le 10 juin, Paris est déclaré « ville ouverte » pour éviter sa destruction. Les Allemands entrent dans la capitale le 14 juin, sans combat. Le maréchal Pétain, héros de la Première Guerre, appelle à cesser les hostilités le 17 juin. L’armistice est signé le 22 juin. La France est coupée en deux : occupée au nord, « libre » au sud sous le régime de Vichy.
Dans les rues de Paris, l’atmosphère est lourde. Les cafés ferment, les rideaux des boutiques restent baissés, et les habitants qui n’ont pas fui attendent, l’arrivée des troupes allemandes. L’incertitude règne, et chacun se demande ce que l’occupation apportera.

Le début de l’exode et du chaos sur les routes
Dès mi-mai, la panique gagne les civils. Environ 8 millions de personnes prennent la route. Parisiens, habitants du Nord, de l’Est, fuient vers le sud-ouest ou la Bretagne. Les routes sont bloquées par des charrettes, des voitures, des bicyclettes ou des poussettes. Les gens emportent ce qu’ils peuvent : matelas, valises, animaux. Les riches chargent leurs voitures, les pauvres marchent, poussant des charrettes remplis d’affaires.
La chaleur de juin rend l’exode insupportable. Les bombes allemandes visent les colonnes de réfugiés, faisant des milliers de morts. Les villages traversés sont submergés. Les paysans vendent de l’eau à prix d’or et les puits sont à sec. Des enfants se perdent, des vieillards meurent d’épuisement. Les gares sont prises d’assaut, mais les trains, réservés à l’armée, partent bondés ou pas du tout. Des scènes de solidarité alternent avec des actes de désespoir : vols, abandons, suicides.
Les récits débordent de scènes bouleversantes. Des enfants, séparés de leurs familles dans la cohue, errent seuls sur les routes, identifiés uniquement par des étiquettes accrochées à leurs vêtements. Des parents, désespérés, placardent des avis de recherche sur les murs des villages traversés. Dans certaines localités, les autorités, débordées, ferment les portes aux réfugiés, les contraignant à dormir dehors. Les fuyards croisent parfois des soldats français en déroute, tandis que les troupes allemandes, avançant méthodiquement, distribuent du pain aux enfants affamés.

Le retour à la maison
Fin juin 1940, l’exode s’arrête. Les réfugiés rentrent chez eux, découvrant des maisons pillées ou détruites. Beaucoup restent au sud, trop effrayés pour affronter l’occupation. Les villes vidées de leurs habitants, reprennent vie lentement. Mais le traumatisme est profond. Des familles entières ont vécu l’humiliation de la fuite, la peur des bombes, la faim.
L’exode révèle les fractures sociales. Les plus pauvres, partis tard ont subi le pire. Les journaux de l’époque minimisent la crise, mais la propagande de Vichy exploite la défaite pour promouvoir la « Révolution nationale ». Pendant des décennies, cet épisode reste tabou, symbole de honte. Ce n’est que dans les années 1980 que les historiens redécouvrent l’exode, grâce à des témoignages et des photos jaunies.
- Des civils français fuient sur les routes lors de l’invasion allemande
- Des soldats britanniques croisent des réfugiés belges sur la route de Bruxelles, le 12 mai 1940
