De l’asphalte à l’écran, la 2CV fait son cinéma
La Citroën 2CV, affectueusement appelée « deuche » ou « deux pattes », est bien plus qu’un simple véhicule dans l’hexagone. Véritable icône populaire, elle incarne la France d’après-guerre. Des routes de campagne aux plateaux de cinéma, sa longévité en fait le plus grand succès automobile national.
La naissance de la 2CV
L’aventure de la Citroën 2CV débute dans les années 1930 avec une vision révolutionnaire. Pierre-Jules Boulanger, alors directeur de Citroën, imagine une « Toute Petite Voiture » (TPV) capable de transporter deux personnes et cinquante kilos de marchandises. Ce véhicule devait être synonyme de simplicité et d’économie, facile à entretenir, adapté aux routes rurales et accessible aux classes modestes. Il devait aussi être maniable, même pour les conductrices novices se rendant au marché.
Le premier prototype voit le jour en 1937, léger et minimaliste, muni d’un moteur de moto et d’une carrosserie en duralinox, un alliage léger. Conçu pour traverser des terrains accidentés sans casser les œufs transportés, selon la légende, il nécessite néanmoins plusieurs années de perfectionnement pour surmonter ses faiblesses techniques. L’innovation est en marche avec cette « chaise longue sous un parapluie ».
Malgré la guerre en 1939, Citroën persévère et continue de travailler secrètement sur la 2CV, même sous l’occupation. La production clandestine et les tests discrets témoignent de la détermination des équipes. Bien que le projet soit suspendu, l’idée d’une voiture résistante, économique et simple reste intacte, prête à soutenir la France d’après-guerre dans sa reconstruction. Les premiers modèles, rudimentaires avec un seul phare et des sièges en toile, répondent aux attentes : transporter quatre personnes et une cinquantaine de kilos de bagages à 60 km/h tout en consommant peu de carburant. Ainsi, la 2CV se lance sur la route de la légende.
L’industrie automobile d’après-guerre
Bien que certains la jugent « laide » avec son design déconcertant, elle fait sensation lors de sa présentation au Salon de l’Automobile de Paris en 1948, suscitant des réactions variées. Sa carrosserie en tôle ondulée, sa légèreté et son habitacle réduit surprennent, mais son charme opère rapidement. Les prototypes deviennent des véhicules de série en 1949, attirant un public, principalement rural. Les commandes affluent, entraînant des délais de plusieurs années pour certains modèles. La demande explose, et la 2CV se transforme en un produit phare pour Citroën, qui se consacre à une production de masse, évitant les coûts inutiles tout en garantissant robustesse et simplicité d’entretien.
Dans les années 1950, la 2CV devient incontournable grâce à sa production efficace, soutenue par des chaînes de montage modernes. Entre 1964 et 1967, la production annuelle dépasse les 200 000 exemplaires, un chiffre impressionnant pour l’époque. Les longues files d’attente pour acquérir une 2CV témoignent d’un engouement populaire que Citroën n’avait pas anticipé à cette échelle. Le design simple et épuré de la voiture est le résultat d’une ingénierie réfléchie, visant à rendre l’automobile accessible à tous, en réduisant les composants complexes et en misant sur une économie de production.
Chaque modèle, avec ses spécificités, répond à des besoins variés. La 2CV Type A a ouvert la voie à d’autres versions, comme la 2CV AU, la fourgonnette idéale pour les artisans et commerçants. Parfaite pour transporter de petites marchandises. Avec son design pratique et sa robustesse, elle a rapidement conquis les services postaux et les métiers de proximité. La 2CV Charleston quant à elle, avec son style bicolore attire un public plus jeune.
Au total, plus de cinq millions de 2CV ont été produites entre 1949 et 1990, incluant des dérivés comme la Méhari et la Dyane. Sa légèreté, sa simplicité et sa mécanique facilement réparable ont contribué à son succès, reposant en grande partie sur une conception accessible qui séduit aussi bien les jeunes conducteurs que les familles modestes.
La 2CV à la conquête du grand écran
La 2CV ne se contente pas de sillonner les routes de campagne, elle devient une icône en dehors de ses frontières. Sa popularité fait d’elle une star du grand écran, où elle se transforme presque en personnage à part entière. Dans « Rien que pour vos yeux » (1981), l’agent 007 prend le volant d’une 2CV jaune et se lance dans une course poursuite endiablée, en compagnie de Carole Bouquet. Dans « Le Corniaud » (1965), la 2CV de Bourvil se disloque après avoir été percutée par la Rolls-Royce d’un Louis de Funès hautain et méprisant. On la retrouve encore dans Le Gendarme de Saint-Tropez (1964). Cette fois-ci, De Funès regrettera d’avoir été pris en stop par une bonne sœur au volant de la deuche.
En dehors du cinéma, la 2CV inspire artistes et écrivains, apparaissant sur des affiches, des cartes postales et dans des chansons comme Le Blues de la 2CV de Richard Gotainer. Elle est également immortalisée par le photographe Robert Doisneau, qui a capturé l’auto dans le quotidien des familles françaises.
La patrimoine de la « deuche »
Pour les jeunes générations des années 60 et 70, la 2CV est synonyme de liberté et d’aventure, utilisée pour explorer l’Europe ou pour des voyages audacieux comme la « Route des Andes en 2CV » menée en 1953 par Jacques Séguéla et Jean-Claude Baudot.
Dès les années 1970, des clubs de passionnés tels que le « 2CV Club de France » se forment, organisant des rassemblements qui rassemblent des milliers d’amoureux de la « deuche ». L’évènement le « Mondiale 2CV » témoigne de l’engouement toujours présent pour ce modèle emblématique. Des rallyes et expéditions, tels que le « Raid 2CV » ou le « Raid Afrique« , mettent en avant sa robustesse légendaire et renforcent l’amour de ses propriétaires à son égard.
La 2CV devient aussi un objet de collection prisé. Des modèles rares, comme la 2CV Sahara, atteignent des prix stratosphériques aux enchères : une Citroën 2CV s’est vendue pour 143 750 € à Monaco, et une autre a atteint 172 000 € en 2022.
La belle « deuche » continue de faire partie intégrante de nos villages, même si sa présence se raréfie avec le temps. Souvent transmise de génération en génération, gardée dans de vieilles granges ou restaurée à l’état d’origine, la 2CV reste intemporelle et éternelle.