La tour Eiffel, star de 1889

En 1889, Paris s’offre un monument hors norme : une tour de 300 mètres. En pleine Exposition universelle, la France affiche fièrement sa puissance industrielle. L’inauguration de la tour Eiffel marque les esprits, entre critiques et fierté nationale. Voici comment naît la plus célèbre des dames de fer.
Eiffel ose le métal à grande échelle
En 1889, la France veut marquer un grand coup. Elle célèbre le centenaire de la Révolution française et organise une Exposition universelle d’envergure. Toute la planète est conviée à Paris, devenue capitale mondiale du progrès et de l’innovation. Le Champ-de-Mars, autrefois champ d’entraînement pour les soldats, se transforme en un immense terrain d’expérimentation en plein air. Machines, palais industriels, pavillons coloniaux : tout respire la modernité. Mais au milieu de ce brouhaha, une silhouette attire tous les regards. Une tour de fer haute de 300 mètres, et elle ne plaît pas à tout le monde…
Gustave Eiffel, l’ingénieur qui lui donne son nom, a déjà une solide réputation. Viaduc de Garabit, ponts suspendus, gares métalliques : l’homme a le génie du métal. Avec ses collaborateurs Nouguier, Koechlin et l’architecte Sauvestre, il imagine cette tour en 1884. L’idée est simple : construire une œuvre industrielle, en s’appuyant sur les progrès de l’acier et des calculs de résistance. En mai 1886, l’administration valide le projet pour l’Exposition de 1889. La tour n’est pas encore dessinée qu’elle déclenche déjà les passions. On la trouve laide, absurde, monstrueuse. Pourtant, Eiffel s’obstine. Il obtient une concession de 20 ans, investit son propre argent, recrute des ouvriers spécialisés. Et la tour s’élève, lentement mais sûrement.
Le chantier commence en janvier 1887. Sur le Champ-de-Mars, on fore et on creuse. Chaque pied de la tour est solidement rivé dans le sol, avec un système de vérins pour ajuster la structure au millimètre. En tout, 18 000 pièces sont assemblées avec 2,5 millions de rivets. Le métal arrive en morceaux, numérotés, préfabriqués. L’assemblage se fait en hauteur, à la main, avec des équipes suspendues entre ciel et terre. Il n’y a pas d’accident mortel sur le chantier, un fait rare pour l’époque. Eiffel met en place des règles de sécurité très strictes, inédites pour l’époque.
Le monde entier regarde Paris
L’inauguration officielle a lieu le 31 mars 1889, en petit comité. Eiffel, accompagné de quelques journalistes, monte à pied jusqu’au sommet, gravissant plus de 1700 marches. Arrivé tout en haut, il plante un drapeau tricolore et salue la ville.
La tour n’ouvre au public que le 15 mai 1889, lors de l’inauguration de l’Exposition. Quand les portes s’ouvrent, la tour devient immédiatement l’attraction phare. Les visiteurs se pressent pour découvrir la vue, le vertige, l’ascension mécanique. Pour 2 francs on peut monter au deuxième étage, pour 5 francs au sommet. Un luxe, mais un luxe populaire. Certains se plaignent de vertiges, d’autres de la force du vent.
L’Exposition universelle bat son plein. Des millions de visiteurs arpentent les allées. On y trouve des machines venues du Japon, du pain mexicain, des inventions électriques, un village sénégalais et même une mini réplique de l’Opéra de Hanoï. La France se veut impériale et moderne. La tour Eiffel en est la preuve : elle est plus haute que tout ce qui a été construit jusque-là, y compris l’obélisque de Washington. Elle devient la nouvelle superstructure de référence. On la voit de partout. Et même ceux qui la critiquaient finissent par s’incliner.
La tour devient aussi un objet scientifique. Elle sert à tester les effets du vent, à faire des expériences météorologiques, à transmettre des signaux électriques. Eiffel lui-même y installe un bureau tout en haut. Il y reçoit des savants, des inventeurs, des officiers. Le sommet devient un lieu stratégique, bien avant l’invention des télécommunications modernes. Et peu à peu, l’idée de démonter la tour après l’exposition s’efface. Le monument trouve sa fonction. Il devient utile. Et en 1909, au terme de la concession initiale, on décide de le conserver.
- Billet d’entrée pour l’Exposition universelle de 1889
- Des visiteurs rassemblés au pied de la tour, 1889
