Le Panthéon, tombeau des immortels

Le Panthéon de Paris fascine : église devenue temple laïque, il abrite les tombes des grands noms français. Mais pourquoi ce bâtiment, initialement dédié à une sainte, porte-t-il désormais les noms que la Nation refuse d’oublier ?
Des racines plus anciennes que le monument
Le promontoire de la montagne Sainte-Geneviève attire depuis l’époque gallo-romaine : temples, salles d’école et bibliothèques. Deux siècles plus tard, les premiers chrétiens élèvent un oratoire. Vers 502, Clovis, premier roi chrétien, fait bâtir une basilique dédiée à Sainte Geneviève, protectrice de Paris. Son cercueil, bientôt rejoint par ceux des rois mérovingiens, transforme la butte en sanctuaire où se mêlent culte et pouvoir. Même après incendies médiévaux et pillages vikings, les Parisiens continuent d’y monter.
Au XVIIIᵉ siècle, la basilique médiévale fatigue : la charpente pourrit, les murs se fendent. Le roi Louis XV, victime d’une fièvre, promet de reconstruire s’il guérit. Il guérit et tient parole. Jacques-Germain Soufflot reçoit la mission de construire une « église claire et majestueuse ». Admirateur de l’Antiquité, il veut pourtant un monument léger : plan en croix grecque, baies larges, voûtes aérées. Des chaînes de fer invisibles consolident la pierre, l’édifice respire sans s’écrouler.
Quand la Révolution éclate en 1789, l’église n’est pas consacrée. Pour les députés, elle devient l’occasion parfaite de recycler un vieux projet : le 4 avril 1791, le bâtiment est rebaptisé « Panthéon des grands hommes ». On retire l’autel, on grave un nouveau fronton : « Aux grands hommes, la patrie reconnaissante ». Le pouvoir spirituel cède la place au mérite civique.

Pierre et métamorphoses
Soufflot veut un message clair : stabilité, ouverture, lumière. À l’intérieur, les quatre bras d’une croix grecque équilibrent l’espace. La coupole culmine à 83m et attire le regard. Pour alléger les murs, l’architecte cache des chaînes de fer dans la maçonnerie, elles agissent comme un squelette. Cette ruse permet d’ouvrir de grandes fenêtres et de peindre l’intérieur.
Au XIXᵉ siècle, le monument change plusieurs fois de statut. Napoléon Bonaparte le rend au culte catholique. Louis-Philippe le transforme de nouveau en temple civique. Napoléon III y célèbre des messes avant que la Troisième République n’impose définitivement la fonction laïque lors des funérailles de Victor Hugo (1885). Chaque revirement laisse des traces : croix descendues puis remontées, plaques superposées, drapeaux sculptés.
La pierre vieillit, le métal rouille. Au début du XXᵉ siècle, des morceaux de corniche tombent. Les ingénieurs renforcent les voûtes, refont les toitures en plomb, puis, dès 1991, engagent de vastes restaurations. Le Panthéon n’est jamais tout à fait terminé : il entre régulièrement en restauration.
- Plan en forme de croix grecque
- Coupole à trois coques
- Armatures en fer intégrées dans la structure
Nécropole nationale et expérience scientifique
Sous la nef, un escalier mène à une crypte voûtée. Longues galeries, caveaux semblables, noms gravés dans la même police. Les premières salles ouvrent en 1791 pour recevoir Voltaire, suivi de Rousseau. Depuis, 83 noms célèbres reposent ici : écrivains, philosophes, scientifiques, héros de guerre. En voici quelques-uns :
- Voltaire : philosophe, diffuse les idéaux des Lumières.
- Jean-Jacques Rousseau : écrivain, inspire la souveraineté populaire.
- Victor Hugo : poète et député, défend la justice sociale.
- Marie Curie : scientifique, découvre la radioactivité, double prix Nobel.
- Jean Moulin : résistant, organise le Conseil national de la Résistance.
La panthéonisation suit deux règles. D’abord, avoir « servi la patrie » par un acte ou une œuvre majeure. Ensuite, obtenir un accord politique : loi parlementaire ou décret présidentiel, avec accord de la famille. Chaque cérémonie est accompagnée de musique et d’un discours présidentiel.
Enfin, dans la nef, le pendule de Léon Foucault oscille depuis 1851. Une boule de 28 kilos suspendue à un câble de 67 mètres révèle scientifiquement la rotation de la Terre sur elle-même. Tandis que la Terre tourne, le plan d’oscillation du pendule reste fixe dans l’espace, ce qui donne l’impression qu’il pivote lentement au fil des heures.
- Pendule de Foucault
- Vu de près
