Le premier Tour de France de 1903

Illustration Tour de France 1903 Fischer 16_9

Le tout premier Tour de France se déroule du 1er au 19 juillet 1903. Pensé pour relancer le journal L’Auto, il réunit 59 coureurs prêts à tenter l’aventure. Maurice Garin en sortira grand vainqueur.

L’organisation

En 1903, L’Auto, un journal sportif fraîchement lancé, est en difficulté. Son grand rival, Le Vélo, domine la presse cycliste. Pour relancer les ventes, le directeur de L’Auto, Henri Desgrange, cherche un nouveau concept. Un jeune journaliste de la rédaction, Géo Lefèvre, lui lance une idée : organiser une course cycliste autour de la France. L’idée paraît folle, mais elle séduit. Autour d’un simple déjeuner, le projet du Tour de France voit le jour. Objectif : passionner le public, faire parler du journal, et surtout battre le concurrent.

La première version de la course voit un peu trop grand. Prévue en juin, avec des étapes trop rapprochées, elle ne séduit presque personne : seulement quinze inscrits. Il faut tout revoir. Le départ est repoussé à juillet, les étapes sont espacées, les primes augmentées. Trois mille francs pour le vainqueur, une fortune à l’époque, et des frais d’inscription réduits. Résultat immédiat : près de quatre-vingts coureurs s’engagent. Cinquante-neuf seront finalement au départ le 1er juillet.

Le parcours fait le tour de la France en six grandes étapes : Paris–Lyon, Lyon–Marseille, Marseille–Toulouse, Toulouse–Bordeaux, Bordeaux–Nantes et Nantes–Paris. Plus de 2 400 kilomètres à avaler. Les étapes, longues de 270 à 470 km, se courent souvent de nuit, sur des routes en terre et sans marquage. Pas d’équipes, pas d’assistance : chaque coureur est seul face à la route. En cas de casse, il faut réparer soi-même. Le leader porte un simple brassard vert. Les contrôles ont lieu dans des cafés ou des hôtels, parfois annoncés à la dernière minute.

Itinéraire dans l'Auto-vélo du 1er juillet 1903
Itinéraire dans l’Auto-vélo du 1er juillet 1903

Le grand départ

Le 1er juillet à deux heures du matin, les 59 coureurs s’élancent dans la nuit, sous les lampadaires de Montgeron. Dès la première étape, Paris–Lyon (471 km !), le ton est donné. Les routes sont cabossées, poussiéreuses ou boueuses selon la météo. Très vite, la sélection se fait par l’endurance. Maurice Garin prend la tête avec Émile Pagie. Il franchit la ligne après près de 18 heures d’effort, acclamé par les spectateurs lyonnais. Certains coureurs n’arriveront que bien plus tard dans la nuit, voire au matin. La fatigue est extrême.

Le lendemain, tout bascule pour Hippolyte Aucouturier, originaire de La Celle, dans l’Allier. Victime de douleurs au ventre, il abandonne… avant de revenir dès l’étape suivante. Le règlement autorise les coureurs à continuer pour tenter de gagner une étape, même s’ils ne peuvent plus figurer au classement général. Et il ne se gêne pas : il remporte la 2e et la 3e étape. Sa volonté impressionne le public. Il devient, malgré lui, la seconde légende du Tour.

Certains trichent : on soupçonne des coureurs d’avoir pris des trains, d’autres de s’être fait tracter par des voitures. Des clous sont retrouvés sur les routes pour crever les pneus des adversaires. Dans l’étape Bordeaux–Nantes, des accrochages éclatent. On raconte même que Maurice Garin aurait volontairement fait chuter son rival Fernand Augereau avant de plier sa roue.

Le départ à Villeneuve Saint-Georges © BnF Gallica
Le départ à Villeneuve Saint-Georges © BnF Gallica

Les grands gagnants

Maurice Garin, petit homme né en Italie et naturalisé français, remporte trois étapes sur six. Il termine avec près de 3 heures d’avance sur le deuxième, Lucien Pothier. Un écart qui ne se reproduira plus dans l’histoire du Tour. Il empoche 6 075 francs, une somme énorme, et entre dans la légende.

Le pari de L’Auto dépasse toutes les attentes. Le journal triple son tirage et atteint 65 000 exemplaires. L’édition spéciale de la dernière étape, avec l’arrivée au Parc des Princes, dépasse les 130 000 ventes. Dans tout le pays, des villages entiers se pressent pour voir passer les coureurs et saluer ces hommes venus de loin, portés par la seule force de leurs jambes. Le succès est tel qu’une deuxième édition est aussitôt annoncée pour 1904.


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