Le sabotage du Rainbow Warrior

Illustration Rainbow Warrior

En 1985, la France, dirigée par le président socialiste François Mitterrand, vit une époque de contrastes. Le chômage est élevé, mais le pays continue de briller par sa culture et sa puissance. Derrière cette façade, la France cherche à affirmer sa puissance sur la scène mondiale, notamment par le biais de sa capacité nucléaire. C’est dans ce contexte que se déroule l’affaire du Rainbow Warrior, un scandale mêlant espionnage, écologie et politique internationale.

Le contexte

François Mitterrand

Mitterrand, Président de la République de 1981 à 1995, est une bête de la scène et de l’histoire politique française. À cette époque, la France, sous sa direction, cherchait à affirmer son indépendance stratégique, notamment par sa capacité nucléaire. Mitterrand, un socialiste convaincu, avait mené d’importantes réformes sociales et économiques, tout en maintenant une politique étrangère ambitieuse visant à renforcer la position de la France sur la scène internationale.

La France et la puissance nucléaire

Depuis les années 1960, la France avait développé une force de dissuasion nucléaire, menant des essais nucléaires dans le Pacifique, particulièrement à Mururoa et Fangataufa, en Polynésie française. Ces essais, visant à garantir la sécurité nationale, suscitaient de vives critiques de la part de la communauté internationale et des organisations écologistes en raison de leurs impacts environnementaux et sanitaires. À cette époque, la France effectuait ces essais régulièrement, malgré l’opposition croissante.

Greenpeace et le Rainbow Warrior

Greenpeace, organisation internationale de protection de l’environnement, s’opposait vigoureusement aux essais nucléaires français. Le Rainbow Warrior, navire amiral de Greenpeace, symbolisait cette lutte. En 1985, il était prévu que ce navire mène une flotte pour protester contre les essais nucléaires à Mururoa. Cette action alarmait Paris, qui voyait en Greenpeace une menace directe à ses intérêts stratégiques.

L’opération

Préparation

L’opération, nommée « Satanique », était orchestrée par la Direction Générale de la Sécurité Extérieure (DGSE), le service de renseignement extérieur français. Le but était de saboter le Rainbow Warrior pour empêcher Greenpeace de perturber les essais nucléaires. L’équipe comprenait des agents spécialisés en sabotage et en renseignement.

Les préparatifs de l’opération commencèrent plusieurs mois avant le sabotage. En mai 1985, une première équipe de reconnaissance arriva en Nouvelle-Zélande pour collecter des informations sur le navire et son équipage. Cette équipe, composée de divers agents utilisant des pseudonymes et de fausses identités, se fit passer pour des touristes ordinaires pour éviter d’éveiller les soupçons.

La seconde équipe, comprenant les plongeurs, arriva en juillet 1985 avec les explosifs. Les agents principaux étaient Dominique Prieur et Alain Mafart, qui posaient comme un couple sous le faux nom de Turenge. Ils étaient responsables de la logistique et de l’exécution du plan. Les plongeurs spécialisés, Jean-Luc Kister et Gérard Andries, arrivèrent par la suite pour effectuer le sabotage proprement dit. Ils apportèrent les explosifs via un yacht nommé Ouvéa, qui était piloté par d’autres agents de la DGSE​.

Le Rainbow Warrior au port de Schéveningue - Pays Bas
Le Rainbow Warrior au port de Schéveningue – Pays Bas

Le sabotage

Le 10 juillet 1985, les plongeurs de la DGSE placèrent deux charges explosives sur la coque du Rainbow Warrior, amarré au port d’Auckland. À 23h38, la première explosion endommagea gravement le navire. Quelques minutes plus tard, une seconde explosion provoqua son naufrage. Fernando Pereira, photographe de Greenpeace, se trouvait à bord et mourut noyé en tentant de récupérer son équipement photographique.

Les explosifs utilisés étaient de haute qualité militaire, placés stratégiquement pour assurer que le navire serait gravement endommagé et coulerait rapidement. Les agents avaient minutieusement planifié l’opération, s’assurant que les explosifs seraient déclenchés à distance et avec une précision maximale pour éviter toute détection préalable.

Après le sabotage, les agents impliqués utilisèrent divers moyens pour quitter la Nouvelle-Zélande. Prieur et Mafart furent arrêtés peu de temps après par la police néo-zélandaise, alors qu’ils tentaient de fuir en utilisant de fausses identités suisses. D’autres agents, tels que Kister et Andries, réussirent à s’échapper, certains étant récupérés par un sous-marin français au large de la côte.

Répercussions

Réactions diplomatiques

L’attentat contre le Rainbow Warrior provoqua une onde de choc internationale. La Nouvelle-Zélande, indignée par cette attaque sur son territoire, mena une enquête rigoureuse et exigea des explications de la France. D’autres nations condamnèrent également cet acte de terrorisme d’État. Les relations entre la France et la Nouvelle-Zélande se détériorèrent considérablement.

La France, initialement dans le déni, fut contrainte d’admettre sa responsabilité sous la pression des preuves accumulées et des confessions des agents arrêtés. La France menaça même de bloquer les importations néo-zélandaises vers l’Union Européenne pour obtenir la libération de ses agents, ce qui aurait gravement affecté l’économie néo-zélandaise, dépendante des exportations agricoles​.

La gestion de la crise par Mitterrand

François Mitterrand, bien que personnellement informé de l’opération, dut gérer les répercussions politiques de cette affaire. Il décida de coopérer avec les autorités néo-zélandaises pour minimiser les dégâts diplomatiques. Prieur et Mafart furent jugés en Nouvelle-Zélande et condamnés à dix ans de prison, mais furent rapidement transférés sur une base militaire française dans le Pacifique en vertu d’un accord entre les deux pays. Ils furent libérés moins de deux ans plus tard, suscitant la colère des autorités néo-zélandaises et internationales​.

En 1986, sous la médiation du Secrétaire général des Nations Unies, Javier Pérez de Cuéllar, la France a accepté de payer 7 millions de dollars américains à la Nouvelle-Zélande pour les dommages causés. De plus, une compensation de 8,1 millions de dollars américains a été versée à Greenpeace pour la destruction du navire. Le ministre de la Défense Charles Hernu démissionna et le chef de la DGSE, l’amiral Pierre Lacoste, fut renvoyé. Cette gestion de la crise, bien que critiquée, permit à Mitterrand de limiter les répercussions politiques internes et internationales.

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