Les Jeux Olympiques de Paris 1924

Illustration JO 2024 16_9

En 2024, Paris a accueilli ses troisièmes Jeux Olympiques. Mais en 1924, dans une Europe meurtrie par la Grande Guerre, Pierre de Coubertin relève son défi fou : ressusciter l’olympisme avec un village révolutionnaire, des stars, et des polémiques déjà bien modernes.

Coubertin : Le père des jeux modernes

En 1924, Pierre de Coubertin a 61 ans. Cet aristocrate français, fondateur des Jeux Olympiques modernes en 1896, est un visionnaire obstiné. Il rêve d’un monde uni par le sport, loin des guerres et des nationalismes. Mais en 1924, son rêve est en danger. Les JO de 1900 à Paris ont été un fiasco : des épreuves étalées sur six mois, peu de spectateurs, et des athlètes perdus dans l’Exposition universelle. Coubertin ne veut pas répéter cette erreur.

Pour les JO de 1924, il impose une organisation rigoureuse : un village olympique (une première !), un stade dédié (Colombes), et un programme serré. Il veut des jeux spectaculaires, médiatisés, et… rentables. Oui, même à cette époque, on parle déjà d’argent. Mais Coubertin est aussi un idéaliste. Il insiste pour que les jeux restent amateurs, rejetant les professionnels. Une position qui crée des tensions, surtout face aux athlètes américains, souvent accusés de « trafiquer » leur statut.

Le baron a du caractère. Quand on lui propose de retirer la boxe des épreuves (trop violente), il refuse. Quand les femmes réclament plus d’épreuves, il limite leur participation à cinq sports. Un paradoxe pour un homme qui cite souvent la Grèce antique, où les jeux étaient… réservés aux hommes.

Coubertin, en fin stratège, comprend aussi l’importance de l’image. Il invite des photographes et des cinéastes pour immortaliser les Jeux. Le film Les Chariots de feu (1981) s’en inspirera, mais en 1924, c’est la presse écrite qui règne. Les journaux du monde entier publient des résultats en direct, une nouveauté pour l’époque. Coubertin savoure ce succès médiatique. Son rêve ? Que le sport efface les frontières. Un idéal… un peu naïf pour l’époque.

Affiche les chariots de feu (1981)

Une Europe en convalescence

Les JO de Paris s’ouvrent dans un contexte tendu. L’Europe sort à peine de la Première Guerre mondiale. Les blessures sont vives : l’Allemagne est exclue des Jeux (une décision politique), la Russie bolchévique boycotte l’événement, et les pays d’Europe de l’Est naviguent entre révolutions et frontières incertaines. La France, elle, traverse une crise économique. Le franc chute, les grèves paralysent les usines, et le gouvernement change trois fois en 1924.

Pourtant, Paris se pare pour les Jeux. On aménage le stade de Colombes (45 000 places), des piscines, et même un village olympique en bois pour héberger les athlètes. Une révolution ! Avant, les sportifs dormaient dans des hôtels ou des casernes. Le village de 1924 reste spartiate : la promiscuité, des lits étroits, mais une cantine internationale.

Village Olympique Paris 1924

La cérémonie d’ouverture, le 5 juillet, est un mélange de solennité et d’improvisation. Des pigeons sont lâchés (ancêtres des colombes), les drapeaux claquent, et les athlètes défilent… dans un ordre approximatif. Le public, lui, vient en masse. Près de 625 000 billets sont vendus. Les Parisiens adorent le spectacle, même si certains critiquent le coût des installations. « À quoi serviront ces stades après les Jeux ? ».

Dans l’ombre des stades, la France des années 1920 danse aussi le charleston. C’est l’époque des Années folles : Josephine Baker, danseuse et espionne, triomphe au Théâtre des Champs-Élysées, Picasso peint Les Trois Danseuses, et Coco Chanel libère les silhouettes. Les JO apportent un vent de modernité, mais la fête est fragile. Derrière les paillettes, la crise guette.

Les tête d’affiche

En 1924, le sport devient un show. Les épreuves phares ? L’athlétisme, la natation, et le football. Le 100 mètres masculin est remporté par le Britannique Harold Abrahams, immortalisé plus tard dans Les Chariots de feu. Son secret ? Un entraîneur professionnel, ce qui agace Coubertin. Du côté des femmes, la star est l’Américaine Sybil Bauer, qui pulvérise le record du 100 m dos… en nageant un style alors interdit !

Mais le vrai héros, c’est le Finlandais Paavo Nurmi. Surnommé « le Finlandais volant », il remporte cinq médailles d’or en athlétisme, dont le 1 500 m et le 5 000 m… en moins d’une heure d’écart ! Un exploit encore inégalé. Les Français, eux, brillent en cyclisme et en escrime. Roger Ducret rafle cinq médailles, dont trois en or.

Le marathon est couru sous 35°C, et se termine péniblement pour les athlètes. Les rugbymen français sont battus par les États-Unis. Le jeu est marqué par de nombreuses actions violentes dans les deux camps et la France finit la rencontre à treize. Et le football ? L’Uruguay écrase la Suisse 3-0 en finale, annonçant l’âge d’or sud-américain.

Armand Blanchonnet, cycliste français, double médaillé d'or aux Jeux Olympiques de 1924 en course sur route individuelle et par équipes
Armand Blanchonnet, cycliste français, double médaillé d’or aux Jeux Olympiques de 1924 en course sur route individuelle et par équipes

L’héritage de cette édition centenaire

Si ces JO sauvent l’olympisme, leur héritage est aussi fait de détails oubliés. C’est ici qu’apparaît pour la première fois le « serment olympique », lu par le gymnaste Georges André. Un rituel toujours en vigueur, même si personne ne se souvient de lui. Autre innovation : les résultats officiels imprimés et distribués aux médias. Une bureaucratie nécessaire, mais peu glamour.

Le village olympique, bien que rudimentaire, inspire les organisateurs futurs. En 1932, Los Angeles le copiera… avec climatisation et jardins. La mixité culturelle du village étonne aussi à l’internationale : on y croise des Indiens et des Néo-Zélandais.

Georges André exécutant l'ex-salut olympique, une variante du salut romain, abandonnée après 1945 en raison de sa ressemblance avec le salut f
Georges André exécutant l’ex-salut olympique, une variante du salut romain, abandonnée après 1945 en raison de sa ressemblance avec le salut fasciste

Enfin, les JO marquent l’entrée du sport dans l’ère médiatique. La radio commence à diffuser des résumés, et les actualités cinématographiques montrent les exploits de Nurmi. Le public découvre le sport en direct, ou presque. Une révolution qui annonce la télévision… et les milliards de droits TV.

Quant à Coubertin, il démissionne de la présidence du CIO en 1925, après les jeux d’été de Paris et les premiers jeux d’hiver de Chamonix. Il meurt en 1937, sans se douter une seule seconde que la prochaine édition française n’aurait lieu que cent ans plus tard. Mais son fantôme rôde sans doute encore autour du stade de Colombes, murmurant : « L’important, c’est de participer. »


Baguette Athlète années 20

Publications similaires

0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest

0 Commentaires
Le plus populaire
Le plus récent Le plus ancien
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires