Paris 1871 : La révolte de la Commune de Paris

Illustration Barricade Communarde Boulevard Puebla à Paris 16_9

En 1871, Paris vit une insurrection sans précédent : la Commune de Paris. Ce soulèvement populaire éclate dans une France affaiblie par la guerre contre la Prusse et les divisions internes. Les Parisiens, épuisés par le siège et abandonnés par le gouvernement réfugié à Versailles, prennent le contrôle de la capitale. Pendant quelques semaines, la ville est gouvernée par un mouvement révolutionnaire qui tente d’instaurer de nouvelles formes de pouvoir et de société.

La France après la guerre contre la Prusse

En 1870, la France est dans une situation critique. L’empereur Napoléon III, capturé par les Prussiens lors de la bataille de Sedan, laisse un pays déstabilisé et désorganisé. Le Second Empire s’effondre, et la République est proclamée à Paris le 4 septembre 1870, dans un contexte d’urgence. Les troupes prussiennes encerclent rapidement la capitale, imposant un siège qui dure plusieurs mois. Le gouvernement républicain de la Défense nationale, dirigé par Adolphe Thiers, s’installe à Versailles, laissant les Parisiens seuls face à l’ennemi.

Pendant le siège, Paris subit une extrême pauvreté, une famine générale et un hiver rigoureux. Les classes populaires, ouvrières et artisanales, ressentent durement cette crise, et l’indignation contre le gouvernement, jugé incompétent et incapable de protéger la capitale, grandit. Le mécontentement est palpable dans la Garde nationale, une milice citoyenne formée de Parisiens, qui joue un rôle clé dans la défense de la ville.

En février 1871, l’armistice est signé avec la Prusse. Mais la paix négociée est perçue comme une trahison par beaucoup d’habitants de Paris. Ils doivent accepter la perte de l’Alsace et de la Lorraine, ainsi que l’occupation de la capitale par les troupes prussiennes. C’est dans cette atmosphère de méfiance, de colère et d’abandon que les tensions entre Paris et Versailles atteignent leur paroxysme.

Baguette Communarde 2

Le début de l’insurrection : 18 mars 1871

Le 18 mars 1871, une tentative du gouvernement de Thiers pour récupérer les canons de la Garde nationale, entreposés sur les hauteurs de Montmartre, provoque l’insurrection. Les troupes envoyées sur place se heurtent à la résistance des Parisiens, et les soldats eux-mêmes, fatigués et proches de la population, refusent de tirer sur la foule. Le général Lecomte, qui commande l’opération, est arrêté par ses propres hommes, puis exécuté avec le général Clément-Thomas.

Ce jour marque le début de la Commune de Paris. Le gouvernement de Thiers évacue Paris et se replie à Versailles. À Paris, le pouvoir passe entre les mains du Comité central de la Garde nationale, qui organise des élections le 26 mars 1871. La Commune est ainsi proclamée, marquée par une volonté de rupture avec les pratiques politiques traditionnelles.

Les élus de la Commune sont des républicains radicaux, des socialistes et des anarchistes, unis par un désir de justice sociale et de réforme politique. Ils entendent construire un nouveau modèle de gestion de la société, où le pouvoir est exercé directement par le peuple. Cependant, si la Commune est portée par des idéaux élevés, elle doit rapidement faire face à des défis énormes, aussi bien internes qu’externes.

L'appel - Devambez André
L’appel – Devambez André

Un projet de société nouvelle

La Commune s’attelle à transformer radicalement Paris en un temps très court. Elle entreprend des réformes dans divers domaines pour répondre aux aspirations des classes populaires. Parmi les premières mesures, on trouve l’interdiction du travail de nuit pour les boulangers, une réponse directe aux revendications des ouvriers. Des mesures d’assistance sociale sont également prises, notamment la réquisition des logements vacants pour les sans-abri et l’allègement des dettes pour les plus pauvres.

L’une des décisions majeures est la séparation de l’Église et de l’État. La Commune supprime les subventions publiques aux institutions religieuses, et met fin à l’enseignement religieux dans les écoles. Cependant, ces réformes, bien que progressistes pour l’époque, ne font pas l’unanimité et suscitent des critiques. Certains voient dans la laïcisation une tentative de contrôle idéologique plus qu’un projet d’émancipation sociale. D’autres, notamment les élites, craignent que ces mesures ne s’attaquent aux fondements mêmes de l’ordre social.

La Commune met en place des milices populaires, composées de citoyens, pour défendre la ville contre une attaque inévitable de Versailles. Elle tente de gouverner Paris tout en affrontant des divisions internes et la pression d’une guerre civile imminente. Des divergences apparaissent rapidement au sein même du mouvement entre les jacobins, qui souhaitent centraliser le pouvoir, et les fédéralistes, partisans d’une autonomie plus grande des quartiers.

Décret de la Commune sur l'obéissance des fonctionnaires
Décret de la Commune sur l’obéissance des fonctionnaires

Les forces en présence : La Commune et Versailles

À Paris, les Communards sont issus principalement des classes populaires. On y trouve des ouvriers, des artisans, des intellectuels et des militants politiques qui voient dans la Commune une opportunité de transformer radicalement la société. Leurs revendications sont variées, allant de la démocratie directe à la défense des droits ouvriers. Toutefois, leurs actions révèlent aussi une forme d’improvisation et de désorganisation, amplifiée par le manque d’expérience politique de certains dirigeants.

En face, le gouvernement de Versailles, dirigé par Adolphe Thiers, regroupe l’armée régulière, soutenue par les classes bourgeoises et conservatrices. Versailles craint la contagion révolutionnaire et voit la Commune comme une menace pour l’unité de la République. Thiers veut rétablir l’ordre et la sécurité rapidement, même si cela nécessite l’usage de la force.

Les troupes versaillaises reviennent peu à peu de la guerre contre la Prusse, renforçant les capacités de répression de Thiers. Paris, quant à lui, se retrouve isolé. La Commune ne reçoit aucun soutien des provinces françaises, et même certains quartiers de la capitale restent sceptiques face au projet révolutionnaire. L’isolement progressif des Communards devient l’une des faiblesses majeures du mouvement.

Execution de l'archevêque de Paris
Exécution de l’archevêque de Paris, Monseigneur Darboy, et des otages de la prison de la Roquette, le 24 mai, sur l’ordre du chef de la Sûreté (Musée Carnavalet, Paris).

L’affrontement

Le 21 mai 1871, les troupes versaillaises pénètrent dans Paris par la Porte de Saint-Cloud, marquant le début de la Semaine sanglante. Pendant sept jours, les combats font rage dans la ville. Les Communards, bien que motivés, sont mal préparés face à l’armée versaillaise, bien équipée et disciplinée. Les barricades se dressent dans plusieurs quartiers, notamment à Belleville et à Montmartre, où les résistants tentent désespérément de défendre leur cause.

Les scènes de violence se multiplient. De nombreux bâtiments publics sont incendiés, dont l’Hôtel de Ville et les Tuileries. La Commune est accusée de mener une politique de destruction aveugle, mais il est difficile de démêler la propagande des faits. Les Versaillais, quant à eux, mènent une répression impitoyable. Les exécutions sommaires se succèdent dans les rues. La violence atteint son paroxysme au cimetière du Père-Lachaise, où les derniers Communards sont exécutés le 28 mai 1871.

L’après Commune

La répression qui suit la chute de la Commune est d’une violence extrême. Pendant la Semaine sanglante, qui s’étend du 21 au 28 mai 1871, on estime que près de 20 000 Communards sont tués dans les combats ou exécutés sommairement. Parmi eux, de nombreux ouvriers, membres de la Garde nationale, et figures emblématiques de la Commune. Les exécutions ont lieu dans les rues, notamment au cimetière du Père-Lachaise, où un grand nombre de résistants sont fusillés le long du mur qui prendra le nom de Mur des Fédérés.

Des milliers d’autres sont arrêtés à l’issue des combats. Le gouvernement de Versailles, désormais en contrôle total de Paris, organise une série de procès. Entre 40 000 et 50 000 Communards sont jugés, et beaucoup sont condamnés à des peines sévères. Près de 7 000 d’entre eux sont déportés vers les colonies pénitentiaires, principalement en Nouvelle-Calédonie, où les conditions de détention sont particulièrement dures. Certains Communards célèbres, comme Louise Michel, y sont envoyés.

L’armée versaillaise, dirigée par Adolphe Thiers, procède également à une épuration des services publics et des forces armées à Paris. Toute personne soupçonnée d’avoir sympathisé ou participé à l’insurrection est traquée. Cette répression vise à écraser définitivement toute tentative de soulèvement populaire dans la capitale et à consolider l’autorité du nouveau régime républicain.

Baguette Communarde

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